Antonin Artaud - L’influence du theatre et de la peste sur l’homme

« Le théâtre comme la peste est une crise qui se dénoue par la mort ou par la guérison. Et la peste est un mal supérieur parce qu’elle est une crise complète après laquelle il ne reste rien que la mort ou qu’une extrême purification. De même le théâtre est un mal parce qu’il est l’équilibre suprême qui ne s’acquiert pas sans destruction. Il invite l’esprit à un délire qui exalte ses énergies ; et l’on peut voir pour finir que du point de vue humain, l’action du théâtre comme celle de la peste, est bienfaisante, car poussant les hommes à se voir tels qu’ils sont, elle fait tomber le masque, elle découvre le mensonge, la veulerie, la bassesse, la tartuferie ; elle secoue l’inertie asphyxiante de la matière qui gagne jusqu’aux données les plus claires des sens ; et révélant à des collectivités leur puissance sombre, leur force cachée, elle les invite à prendre en face du destin une attitude héroïque et supérieure qu’elles n’auraient jamais eue sans cela. » (« Le théâtre et la peste »)

Ce fragment fait partie de l’article « Le théâtre et la peste », un article par lequel l’auteur introduit le problème de la cruauté, cruauté et sensation de cruel dans tous les sens, qui s’est infiltré dans l’art entier et dans l’histoire du XXème siècle. Ainsi, l’auteur commence cet article par la présentation de point de vue historique de la peste, mettant en évidence les effets de cette maladie dans plusieurs villes. Après cette « chronologie », Artaud cite quelques affirmations au sujet de la peste, présente la manière dont cette maladie influence le monde et compare le théâtre avec la peste, pour que dans la dernière partie de l’article il présente le fonctionnement de ce théâtre.

Par l’intermédiaire de ce paragraphe, Antonin Artaud caractérise le théâtre en le comparant avec la peste, ou mieux-dire, il compare l’effet produit par le théâtre sur l’individu avec celui produit par la peste. Donc, de même que la peste, le théâtre finit soit par la mort soit par la guérison (« Le théâtre comme la peste est une crise qui se dénoue par la mort ou par la guérison. »), c’est-à-dire qu’on a seulement deux possibilités d’entendre, de percevoir le théâtre. L’auteur compare le théâtre à la peste probablement parce que, au moment où cette maladie surgit, l’homme ne peut faire rien que regarder en face la mort et se conformer, car l’épidémie n’épargne personne quelle que soit la condition sociale de chacun d’entre nous. Donc, l’attitude de l’homme en ce qui concerne le théâtre est celle d’observateur sans pouvoir faire quelque chose pour changer les événements présentés sur la scène, mais d’accepter qu’il y a dans le monde les maux présentés par le théâtre et, peut-être, d’essayer à changer quelque chose.

Artaud situe la peste et le théâtre dans une position supérieure car les deux supposent une extrême purification où même une certaine destruction (« Et la peste est un mal supérieur parce qu’elle est une crise complète après laquelle il ne reste rien que la mort ou qu’une extrême purification. ») pour que l’homme aboutisse à un accomplissement intérieur, dépassant ainsi la crise. Cette destruction est aussi la seule manière d’acquérir l’équilibre suprême (« De même le théâtre est un mal parce qu’il est l’équilibre suprême qui ne s’acquiert pas sans destruction. ») et c’est pour ça que l’auteur met le théâtre dans la catégorie des maux. Donc, l’harmonie peut résulter seulement de la destruction de l’élément qui n’est pas en équilibre avec les autres éléments du monde. Cette idée de l’existence d’un élément qui détruit l’équilibre du monde représente la vision de l’auteur sur le monde.